Il y a bien longtemps aux alentours de l’an mil quelque part en Grande Bretagne.
Au début, ce n’était qu’un lointain écho, devenu une rumeur puis un fait : l’île d’Avalon était déserte. Ses habitants l’avaient quitté ainsi que les prêtresses et les druides des anciens cultes. Les anciennes pratiques avaient sombré devant les assauts répétés des nouvelles religions rendant ce lieu inutile.
Ailleurs de par le monde, une guerre souterraine faisait rage sans que l’humanité ne s’en rende vraiment compte. Elle concernait une entité appelée la confrérie qui se déchirait depuis des siècles. Cette lutte sans merci bien que loin de s’achever voyait, au moment où nous parlons, la fin d’une utopie vieille de plus de 15000 ans.
Sur une grande étendue d’herbe verte arrosée par les eaux de pluie et baignée par le lac avait été dressée une lourde pierre ovale de granit gris. Elle reposait sur quatre pieds faits de la même matière pure et granuleuse. La prairie était inondée de la lumière du soleil couchant et de grands arbres venaient protéger les représentants des tribus de l’alliance assise autour.
Depuis la signature, des millénaires avant ce moment, du pacte les réunissant, ils avaient œuvré ensemble pour faire de leur berceau de vie, la terre, un berceau de paix. Pourtant, ils avaient échoué, ils le savaient. La réunion qui se déroulait, la dernière, venait marquer la fin du pacte.
- Merlin ! demanda Lucatapao le représentant des Elfes, que vous ont dits les dernières prophéties ?
- C’est la fin d’une ère mon ami. La confrérie éclate de toutes parts, elle est moribonde. A sa mort, elle laissera la place à deux ordres qui s’affronteront pendant des millénaires jusqu’à ce que l’un triomphe de l’autre.
- Alors le pacte est devenu inutile ? Que devient notre rêve ?!
- La confrérie telle que nous la connaissions est finie ! répondit Merlin au représentant du peuple des fées, mais pas notre rêve. Les miens et d’autres, voulons continuer notre mission.
- Pour quoi faire ? demanda Zafael. Ceux qui se font déjà appeler l’ordre du chaos ont juré la perte de tous ceux qui s’opposeront à eux. Ils sont plus forts et nous éliminerons les uns après les autres. Nous, les Elfes verts allons-nous retirer à la vue de tous et disparaître à jamais.
- Le peuple des fées fera la même chose !
- Nous aussi ! poursuivit le représentant des centaures. Nous avons voulu contrairement à nos coutumes aider les humains à évoluer, mais c’est impossible, vous êtes trop violent, trop impatient. Ce pacte est un échec.
- Non ! Il ne l’es pas ! Tonna Merlin en se relevant de son fauteuil.
- Ah oui ?! poursuivit Lucatapao en se tournant vers le vieux magicien à la longue barbe blanche. Explique-nous alors.
- Nous avons déjà fait beaucoup progresser l’humanité ainsi que l’ensemble des peuples qui cohabitent sur notre monde. C’est notre union qui a permis cela.
- C’est vrai ! Mais regarde où nous en sommes, deux ordres qui s’affrontent dont l’un veut dominer ses semblables et asservir les autres peuples. Nous avons créé un monstre lui répondit le Gobelin qui se trouvait en face de lui.
- Fuir ne servira à rien, nous devons rester unis. Nous devons garder la foi, au bout du chemin, nous triompherons.
- Comment cela ?! Demanda plus que surpris le représentant des Lutins.
- Les prophéties ont parlé ! Tout est consigné dans le livre des tribus.
Il se leva leur montrant le livre qu’il tenait dans les mains.
- Comme vous le savez, nous écrivons depuis des millénaires dans ce livre tout ce qui relate notre histoire mais aussi nos inventions, notre savoir et nos prophéties. Nous venons d’y ajouter les dernières.
- Et que racontent-elles ? demanda le nain qui se trouvait juste à côté de lui.
- Qu’un garçon naîtra à intervalles réguliers, qui seul pourra réunir les deux ordres. Alors les humains seront à nouveau unis, la fraternité une et indivisible à jamais. J’ai peur qu’en nous séparant maintenant sans rien faire, cela ne nous prenne des siècles. C’est pourquoi je vous demande de revenir sur vos décisions. Restons unis afin d’éviter des siècles de barbarie à l’humanité ainsi qu’à tous les peuples de la terre.
Autour de la table, plusieurs membres secouèrent la tête en signe de dénégation. Merlin comprit alors que tout était perdu, il n’arriverait pas à les convaincre. Le pacte prenait fin à l’instant, il le sentait au plus profond de sa chair, de son cœur. Son temps était fini, il devait passer la main.
- Lucatapao prend le livre des tribus perdues et cache le. Protège-le afin de le transmettre à mes fils. Le temps venu, les humains en auront besoin.
- Des tribus perdues ? Pourquoi ce nouveau nom mon ami ?!
- Car le pacte est fini, maintenant que nous nous séparons, bon nombre des tribus autour de cette table disparaîtront avant que la réunification n’ait lieu. Rien ni personne ne pourra l’éviter. Voilà pourquoi ! C’est écrit ici ! dit-il en tapotant le livre.
Un murmure de protestation s’éleva des personnes assises autour de la table. Ils étaient tous persuadés qu’ils pouvaient s’en sortir seul, mais Merlin savait que la division entraînerait la disparition de la plupart d’entre eux. Alors que les autres continuaient de contester, l’elfe inclina la tête vers lui.
- Assez ! Le temps des palabres est fini. Il est inutile de chercher à savoir le bien-fondé des paroles de Merlin. Les prophéties ont parlé, seul le temps nous dira si elles se trompent. Vos décisions sont prises, les nôtres aussi.
Lucatapao tendit la main vers le livre dont il se saisit avant de poursuivre.
- Merlin dit aux tient de nous rejoindre là où se trouve Atlandide. Nous les cacherons le temps qu’il faut, c’est la dernière chose que je puisse faire pour ton ordre, car nous ne prendrons pas part à la guerre qui vous oppose.
- Merci ! Je le ferais répondit Merlin d’une voix éteinte. Ce furent les seuls mots qu’il prononça en s’inclinant face au grand Elfe. Il ne pouvait plus parler, dévasté qu’il était par la fin du pacte entre tous les peuples ainsi que par la perspective des millénaires de guerre à venir. Il se sentait découragé tout en se demandant s’il aurait la force de continuer.
Voyant Merlin perdu dans ses pensées, l’elfe s’inclina une dernière fois puis fit un geste d’adieu à tous les autres membres de l’assemblée avant de quitter la prairie d’un pas rapide. Pour les autres, ce fut le signe du départ. Ils quittèrent tous les lieux sans un regard pour Merlin qui resta là, à contempler la nature qui l’environnait.
Il y resta de longues minutes, mais lorsque les dernières lueurs du soleil disparurent à l’horizon, il sortit de sa léthargie et se mit en marche vers les sous-bois. Il y disparut. Plus personne ne le revit jamais mais un écho qui se transforma en rumeur puis en légende nous est parvenu nous parlant de Merlin l’enchanteur mais plus de la confrérie.